Et maintenant? Considérations relatives aux sépultures non marquées et anonymes dans les anciens pensionnats autochtones : Questions fréquentes sur la terminologie et les techniques en anthropologie

Avertissement sur le contenu

Cette ressource contient des références aux anciens pensionnats indiens et aux sépultures non marquées. Si vous avez besoin de soutien, de l'aide est disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour les personnes survivantes et leurs familles au moyen de la Ligne d’écoute sur les pensionnats indiens au 1-866-925-4419. Un soutien en matière de santé mentale est aussi offert aux membres des communautés autochtones au moyen de la Ligne d’écoute Espoir pour le mieux-être au 1-800-721-0066 ou en utilisant la boîte de clavardage au espoirpourlemieuxetre.ca/homeFR.html. Le site de l’Indian Residential Schools Survivors Society (en anglais) contient des renseignements sur ces mesures de soutien et d’autres ressources.


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Introduction

La récupération de restes humains dans des sépultures non marquées près d’anciens pensionnats indiens et sur d’autres sites a fait l’objet de nombreuses discussions. Le présent document se veut une ressource sur les possibilités et les limites de ce type de travail pour les communautés ayant atteint l'étape de planification. Il s’ajoute à l’information préliminaire fournie dans le document « Lorsque des sépultures non marquées sont retrouvées : options possibles pour les prochaines étapes », accessible sur le site Web de la CABA/ACAB. La Canadian Association for Biological Anthropology/Association canadienne d’anthropologie biologique (CABA/ACAB) a également compilé un document comprenant l'ensemble des lois en lien avec ces sépultures et les organismes susceptibles d'offrir leurs compétences juridiques sur ces questions dans les provinces et territoires du Canada.

Ce document ne formule aucune recommandation sur les mesures à prendre dans des cas particuliers, car celles-ci seront propres à la communauté, à ses objectifs, à toute loi connexe et au contexte du cas en soi. Il ne s’agit pas non plus d’un guide des pratiques exemplaires en anthropologie judiciaire ou en bioarchéologie, ni de lignes directrices sur l’utilisation de techniques de télédétection, comme le radar à pénétration de sol, pour repérer des sépultures non marquées. Le sous-comité d’anthropologie judiciaire du National Institute for Standards and Technology des États-Unis a publié des normes et des recommandations sur les pratiques dans ce domaine (en anglais). L’Association canadienne d’archéologie (ACA), en partenariat avec l’Institute for Prairie and Indigenous Archaeology (IPIA), a publié plusieurs ressources sur la recherche de possibles sépultures non marquées à l’aide de technologies de télédétection, qui peuvent être consultées sur le site Web de l’ACA.

Déclarations sur le leadership communautaire, les protocoles à respecter et la souveraineté des données
Leadership communautaire

La Canadian Association for Biological Anthropology/Association canadienne d’anthropologie biologique (CABA/ACAB) s’engage à soutenir le rôle des communautés autochtones dans la direction du processus décisionnel pour déterminer si, quand et comment doit être effectué le travail de récupération, d’identification et de retour des enfants qui n’ont jamais quitté les anciens pensionnats indiens. Plus spécifiquement, les communautés autochtones doivent avoir le dernier mot sur les décisions, notamment en ce qui a trait à l’intégration de cérémonies et d’autres protocoles, à la diffusion publique des résultats (si, quand et comment en parler), aux méthodes utilisées et à la portée du travail, aux gens impliqués dans ce travail, aux lieux et modes de conservation et d'utilisation des données et des registres, ainsi que tout autre processus jugé nécessaire. Cette approche est conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et aux principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession des Premières Nations.

Le 76e appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation demande instamment à tous les partis engagés de déployer un tel effort conformément aux principes suivants :

  1. La collectivité autochtone la plus touchée doit diriger l’élaboration de ces stratégies;
  2. De l’information doit être demandée aux survivants des pensionnats et aux autres détenteurs de connaissances dans le cadre de l’élaboration de ces stratégies;
  3. Les protocoles autochtones doivent être respectés avant que toute inspection technique ou enquête potentiellement envahissante puisse être effectuée sur les lieux d’un cimetière. (Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2012, p. 11)
Protocoles et cérémonies

Les protocoles culturels, y compris les cérémonies visant à soutenir, protéger et honorer les enfants enlevés, les survivants et survivantes et toutes les autres personnes engagées dans la recherche des enfants, sont essentiels au succès de ce processus. De nombreux aspects du processus d’enquête, tant archéologiques que médico-légaux, peuvent être revus afin d’assurer un plus grand respect des valeurs et des pratiques de la communauté. La façon dont ces pratiques sont intégrées sera déterminée dans chaque contexte et dépendra de facteurs correspondant aux souhaits des communautés impliquées, des lieux et des paysages où se déroule le travail, ainsi que des objectifs de l’enquête. Par exemple, les enquêtes destinées à soutenir une poursuite judiciaire, devant des tribunaux canadiens ou internationaux, peuvent différer à certains égards de celles qui visent à identifier et à ramener des proches disparus.

Souveraineté des données autochtones sur les données archéologiques, squelettiques et génétiques

Tout effort visant à localiser, récupérer et identifier les restes d’enfants décédés dans les pensionnats autochtones produira de nombreux dossiers et de grandes quantités de données. Les tentatives d’identification des restes humains à l’aide de l’ADN ne peuvent aboutir sans les échantillons génétiques donnés par les proches vivants des disparus. Compte tenu des expériences subies par des communautés autochtones qui ont vu leurs données, y compris des données génétiques, être recueillies et utilisées de façon abusive, il est essentiel que toutes les données produites en cours d’enquête soient conservées en toute sécurité et d’une manière acceptable pour la communauté, conformément aux principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession des Premières Nations. Bien que nous reconnaissons que ce travail recoupe les compétences de plusieurs organismes fédéraux et provinciaux canadiens, nous exhortons ceux-ci à céder le leadership aux communautés autochtones en ce qui a trait à la portée du travail, aux méthodes utilisées et à la conservation et à l’utilisation des données qui en résulteront.

Vue d’ensemble – quels sont les processus et qui impliquent-ils?

Chaque cas sera différent, selon le contexte et les priorités des communautés impliquées. Cependant, certaines étapes seront vraisemblablement nécessaires si les objectifs d’un projet comportent la recherche, l’identification et le retour des restes d’enfants disparus à leur famille. Cette section décrit brièvement ces étapes, tandis que les sections suivantes répondent à certaines des questions que pourrait se poser une communauté qui envisage de s’engager dans ce processus. Un aperçu plus détaillé peut également être trouvé dans le document suivant de la CABA/ACAB : Lorsque des sépultures non marquées sont retrouvées : options possibles pour les prochaines étapes.

Qui prend part, normalement, à la récupération des restes d’une sépulture non marquée?

Le travail de récupération et d’analyse des restes humains non identifiés provenant de sépultures récentes (d'intérêt judiciaire) est normalement effectué, entre autres, par des archéologues judiciaires, des anthropologues judiciaires et des pathologistes judiciaires expérimentés. L’identification officielle d’une personne décédée inconnue relève habituellement de la responsabilité d’une autorité médico-légale comme un coroner ou un médecin légiste, bien que ce ne soit pas toujours le cas.

Un travail de ce type nécessite d’entrer en contact avec les autorités médico-légales, les forces de l’ordre, les organismes de réglementation du patrimoine et d’autres organismes gouvernementaux fédéraux et provinciaux ou territoriaux. La CABA/ACAB et les associations qui lui sont alliées ont créé une ressource (lien) qui dresse une liste de nombreux organismes et compile un ensemble de lois pertinentes dans chaque province ou territoire. L’objectif est d’aider les communautés menant des enquêtes à planifier l’établissement de telles relations.

Localisation de sépultures potentielles

La première étape consistera à tenter de localiser les sépultures en utilisant différentes sources, comme les témoignages de personnes survivantes, les archives et les conclusions obtenues au moyen d’analyses archéologiques. L’Association canadienne d’archéologie a préparé des ressources sur ce processus, qu’il est possible de consulter ici [lien].

Excavation et récupération

Il est impossible de savoir avec certitude qui est enterré dans une sépulture non marquée et non documentée sans récupérer et analyser les restes. Si des sépultures sont découvertes et qu’une communauté décide d’aller de l’avant avec une enquête, l’excavation et la récupération des restes humains constituent les étapes suivantes.

Collecte de données à partir de restes humains

Une fois récupérés, tous les restes humains trouvés devraient être examinés par des praticiens de la médecine légale qualifiés, notamment spécialisés dans l’analyse du squelette (anthropologues) et des dents (odontologues), afin de recueillir des données utiles à leur identification. Des échantillons d’ADN peuvent également être prélevés sur de petits morceaux d’os ou de dents. Il s’agit cependant d’un processus destructeur. Les restes doivent être conservés dans un endroit sûr, au climat contrôlé, pendant toute la durée de leur analyse, et ce, jusqu’à leur restitution éventuelle à leur famille ou à leur communauté.

Collecte de données à propos des enfants disparus

Lors de l’identification de restes humains, les communautés impliquées doivent planifier la collecte et la conservation de données identifiantes sur les enfants disparus, notamment au moyen de l’ADN des proches. Ce processus, qui peut s’avérer difficile et délicat, nécessitera la création proactive d’accords et de règles pour protéger les données des membres de la famille et des communautés qui consentent à fournir des renseignements ou des échantillons d’ADN.

Identification, suivi du retour et autres résultats

Des praticiens qualifiés et expérimentés sont appelés à intervenir à cette étape-ci pour entreprendre réellement la tâche d’identification, qui consiste à comparer le profil d’une personne non identifiée à celui de personnes disparues qui pourraient lui correspondre. Dans la plupart des provinces et territoires du Canada, l’identification est un processus officiel avec des implications légales. Seul un coroner ou un médecin légiste peut le mener à bien.

L’identification de la totalité des restes humains récupérés sur un site donné étant parfois impossible, tout projet doit prévoir la manière de traiter les personnes qui ne seront pas identifiées. Dans le cas des personnes identifiées, des plans s'imposent pour la marche à suivre, entre autres pour le retour des restes auprès de leur famille ou de leur communauté d’origine.

Localisation, excavation et récupération de restes humains
Comment les sépultures potentielles sont-elles localisées

Il existe de nombreux moyens de localiser des sépultures. Les comptes rendus de première main (témoignages) des survivants en font partie, de même que les documents d’archives et, sur le plan technologique, le radar à pénétration de sol. Ces moyens doivent être combinés, dans la mesure du possible, afin de réussir à repérer une sépulture. Les archives sont des documents qui ont été accumulées au fil du temps par une personne ou une institution. Dans le contexte des anciens pensionnats indiens, les documents tels que les rapports trimestriels, les rapports de décès et d’autres registres, lorsqu’ils sont disponibles, peuvent fournir les noms des enfants qui ont fréquenté les écoles ou ont été envoyés dans les hôpitaux. Toutefois, de tels documents peuvent contenir des renseignements incomplets ou contradictoires. L’obtention et l’analyse du contenu des archives nécessitent un effort constant, de longue haleine, de la part d’organismes comme le Centre national pour la vérité et la réconciliation.

Le radar à pénétration de sol, à l’instar d’autres instruments de télédétection, peut être utilisé pour trouver à la surface ou sous la surface du sol des anomalies qui pourraient indiquer la présence d’une sépulture. Pour en savoir davantage sur les utilisations possibles et les limites de ce type de radar, prière de consulter les ressources suivantes :

Association canadienne d’archéologie
Ressources pour les communautés autochtones qui envisagent de rechercher des sépultures non marquées

Institute of Prairie and Indigenous Archaeology:
Geophysics and Unmarked Graves  
Community Resources Guide for Unmarked Graves Research (en anglais)

Faut-il exhumer une sépulture pour savoir qui s’y trouve?

La décision de procéder ou non à des fouilles appartient à chaque communauté. Le processus d’excavation peut causer encore plus de stress et de chagrin aux personnes survivantes, aux autres membres de la famille et aux communautés. Dans certains cas, il peut y avoir suffisamment d’éléments d’archives ou de témoins pour déduire raisonnablement qui est enterré à un endroit, en particulier s’il s’agit d’une tombe marquée. En outre, il est important de noter que même si les fouilles se poursuivent et que le processus d’identification est entrepris, il n’est pas toujours possible d’établir un lien entre des restes humains et une personne disparue.

Il est généralement nécessaire d’exhumer une sépulture pour déterminer avec certitude qui y est enterré, surtout en l’absence de marques fiables et de documents indiquant l’identité de personnes enterrées ou l’emplacement de celles-ci. Ainsi, si une communauté souhaite identifier et ramener des enfants qui seraient enterrés à un endroit, il faut fouiller tout le site en question et analyser les restes humains trouvés pour tenter de déterminer leur identité. Un registre centralisé de données sur les personnes identifiées et celles qui sont toujours portées disparues sera nécessaire.

Qu’implique l’excavation d’une sépulture potentielle?

Si l’on repère des zones où la présence de sépultures non marquées est présumée à l'aide d'un radar pénétrant le sol ou d'autres méthodes (voir la page de l’Association canadienne d’archéologie), un processus d’excavation pourrait être enclenché afin de confirmer s’il y a des restes humains. Les forces de l’ordre et les enquêteurs médico-légaux (coroners et médecins légistes) supervisent généralement les fouilles aux endroits où l’on présume la présence de sépultures non marquées récentes. Cependant, cette situation ne s’applique pas toujours dans le cas des sites d’anciens pensionnats.

Confiées à des archéologues expérimentés, les fouilles peuvent nécessiter l’utilisation d’un excavateur mécanique pour enlever soigneusement la végétation et le sol afin de repérer le contour d’une sépulture potentielle. Ce travail peut également être réalisé plus lentement à la main. Une surveillance étroite est requise pour éviter de perturber les dépouilles. Une fois les dimensions d’une sépulture établies, les fouilles à la main commenceront pour déterminer la présence de restes humains. Ces fouilles, minutieuses, consisteront à retirer tous les restes osseux de la zone et à passer au crible, à mailles fines, le sol pour s’assurer de la récupération de tous les restes et autres matériaux, comme de possibles vêtements ou objets personnels.

Que conclure de la découverte d’une sépulture potentielle, mais sans restes humains?

Même si des restes n’ont pas été découverts au cours de l'excavation, cela ne signifie pas nécessairement qu’un site n'a jamais contenu une sépulture. Malheureusement, la récupération des restes dans un lieu de sépulture n’est pas garantie, même si une personne y a bel et bien été enterrée. Non seulement les dépouilles enterrées se décomposent avec le temps, mais les cimetières peuvent aussi être détruits par des processus naturels, la négligence ou le développement. Une sépulture est soumise aux conditions environnementales, lesquelles peuvent être destructrices. Les propriétés du sol, les arbres, les nappes phréatiques ou toute perturbation à proximité, comme une construction, peuvent nuire à la préservation d’une sépulture et des restes humains qu’elle contient. Plus fragiles, les restes d’enfants peuvent être plus difficiles à repérer et à récupérer que ceux d’adultes. Les effets de l’environnement risquent aussi de compliquer l’identification des restes trouvés. D’après les témoignages de survivants et survivantes, nous savons aussi que certaines tombes ont été perturbées ou déplacées à l’époque des anciens pensionnats indiens. Des restes d’enfants ont été retirés des lieux d’inhumation initiaux. (Voir la section ci-dessous sur les tentatives de dissimulation des restes.)

Quels sont les coûts et les échéanciers associés à ce type de travail?

Les coûts et les échéanciers dépendent de nombreux facteurs, notamment de la nature du paysage où se trouvent les sépultures, des objectifs fixés pour le travail et des méthodes utilisées. En général, un environnement plus difficile et une plus grande étendue du travail prolongeront les échéanciers et alourdiront les coûts. La recherche dans les archives et le rassemblement des connaissances dans la communauté prendront du temps, tout comme la découverte de sépultures et la collecte de données d’identification auprès de membres de la famille. De plus, il n’existe pas de dossiers complets sur les personnes décédées dans les anciens pensionnats indiens. Cela complique l’identification des enfants dans les tombes laissées sans inscription. Au bout du compte, l’identification d’une seule personne peut nécessiter un effort soutenu pendant des mois, voire des années, et, dans certains cas, risque de ne jamais aboutir complètement. Les initiatives lancées pour enregistrer les noms des enfants décédés ou disparus dans les anciens pensionnats indiens, comme le Registre commémoratif national des élèves du Centre national pour la vérité et la réconciliation, seront utiles pour connaître l’identité des enfants enterrés dans des sépultures non marquées.

Que peut-on, et ne peut-on pas, apprendre des os?
En quoi consiste le processus d’identification?

Le travail d’identification consiste à comparer ce qui est connu au sujet des restes non identifiés à ce que l’on sait d’une personne disparue, afin de déterminer s’il s’agit ou non d’une seule et même personne. Idéalement, il faudrait comparer des renseignements uniques de part et d’autre. Il peut s’avérer très difficile d’identifier une personne avec certitude lorsque l’on dispose de peu d'informations. Une identification officielle ou formelle doit être reconnue par l’autorité médico-légale locale (généralement le coroner ou un médecin légiste), qui est chargée de signer le certificat de décès.

L’identification d’une personne commence par l’utilisation du profil biologique (voir ci-dessous) pour dresser une liste de personnes susceptibles de correspondre à celle non identifiée à partir de registres connexes. Par exemple, si l’on sait qu’un enfant de 8 ans est décédé et que les restes correspondent à un enfant de cet âge, on peut conclure à une correspondance potentielle. Les caractéristiques uniques du squelette doivent ensuite être comparées aux données associées à la correspondance potentielle. Certaines caractéristiques, comme la dentition et l’ADN, sont uniques et peuvent être utilisées pour identifier des individus. L’ADN, les dents et les interventions dentaires (comme les plombages), les os cassés guéris et les chirurgies qui ont affecté le squelette sont utiles, car ils peuvent être conservés même lorsque les tissus mous du corps, comme les muscles et les organes, ne sont plus présents. Cependant, ces caractéristiques doivent être comparées à une référence connue, comme l’ADN d’un ou plusieurs membres vivants de la famille ou encore des données dentaires ou médicales comme celles produites par des radiographies ou des rapports, si ceux-ci existent.

Les documents historiques ou d’archives, les déclarations de témoins, les photographies et les récits des survivants et survivantes peuvent aussi aider à localiser et à identifier des personnes. Cela dépend toutefois beaucoup du niveau de détails, de précision et de conservation de ces documents et souvenirs, ainsi que de l’état des restes humains et des sépultures en question.

Qu’est-ce qu’un profil biologique, et à quoi sert-il?

Lors d’une enquête sur un décès impliquant des restes à l’état squelettique, un profil biologique est établi par un anthropologue judiciaire. Ce profil est nécessaire pour réduire la liste des personnes disparues auxquelles celle inconnue est comparée. Il en va de même pour l’identification de personnes retrouvées dans des sépultures non marquées dans les anciens pensionnats indiens. Un profil biologique, ou une ostéobiographie, est une description d’une personne en fonction de ce que révèle son squelette. Il permet généralement d’estimer la taille, le sexe biologique et l’âge d’une personne. Le degré de confiance quant à l’exactitude de ces estimations dépend de différents facteurs, entre autres l’état de conservation du squelette et l’âge de la personne décédée. Par exemple, il n’est pas possible d’estimer avec certitude le sexe d’un enfant ou d’un nourrisson en se fiant au squelette, d’où le recours à l’ADN. Un profil biologique enregistrera également les caractéristiques uniques du squelette (par exemple, une côte supplémentaire) ainsi que les signes osseux d’une maladie ou d’une blessure.

Cependant, de nombreux aspects de l’identité d’une personne et des expériences vécues n’affectent pas le squelette de manière évidente. Par conséquent, un profil biologique risque de ne rien communiquer sur ces aspects. Les maladies et les blessures qui n’ont pas affecté les os ou les dents comptent parmi ces éléments sans incidence sur le squelette.

L’utilisation adéquate de l’ADN aux fins d’identification des enfants disparus

En comparant un échantillon d’ADN prélevé sur un os ou une dent d’une personne décédée avec celui des membres vivants de la famille, on peut établir son identité. Idéalement, on compare avec l’ADN des parents ou de la fratrie. Pour soumettre un échantillon d’ADN, les membres de la famille doivent utiliser un écouvillon stérile pour frotter l’intérieur de la joue et ainsi prélever des cellules. Puis, un analyste qualifié procède au séquençage des deux échantillons d’ADN pour évaluer le degré de similitude génétique entre la personne à identifier et les personnes vivantes qui ont soumis l’échantillon. Cette comparaison permet d’attester, s’il y a lieu, d’un lien de parenté et d’en préciser le degré (enfant, membre de la fratrie, cousin ou cousine, etc.). Lorsque deux ou plusieurs personnes semblent génétiquement apparentées, il faudra recourir à l’âge (ou à d’autres caractéristiques du profil biologique) pour les distinguer.

La preuve de l’identification d’une personne par l’ADN n’est toutefois pas infaillible. Elle présente des avantages et des inconvénients qui doivent être analysés avec les communautés impliquées. Le prélèvement d’ADN à partir de restes humains est un processus dit destructeur, en ce sens que de petits morceaux d’os ou de dents de chaque enfant inconnu sont écrasés et dissous. Il est également possible qu’on doive demander à plusieurs personnes de donner un échantillon de leur ADN. Dans les nombreuses communautés qui ont signalé la disparition d’enfants dont le décès est présumé ou connu, il est fort possible que plusieurs parents doivent remettre un échantillon de leur ADN, qui sera comparé à ceux répertoriés dans une base de données pour identifier les enfants.

Nous concevons que la collecte, le stockage et l’utilisation des données génétiques sont de nature sensible. Si l’identification par l’ADN doit être utilisée, une base de données sécurisée et fiable des échantillons doit être créée et gérée de manière responsable, conformément aux principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession des Premières Nations.

Sera-t-il toujours possible d’identifier une personne à partir de son squelette? Pourquoi ou pourquoi pas?

Parfois, l’examen des os d’une personne ne permet pas d’établir son identité avec certitude, et ce, pour diverses raisons. La probabilité d’identifier une personne au moyen de l’ADN est la plus élevée lorsque les conditions suivantes sont réunies : l’existence de renseignements fiables sur le lieu de sépulture de la personne (témoignages, histoire orale ou documents officiels, comme des registres d’inhumation); un squelette bien préservé; des données détaillées sur une personne portée disparue, comme un dossier dentaire ou médical ou encore l’ADN de ses proches. Les renseignements relatifs à une personne disparue doivent être comparés au profil biologique ou au profil ADN de la personne non identifiée, ou à toute autre information la concernant pour déterminer s’il y a correspondance ou non.

Si l’on ne dispose pas de données fiables sur le lieu de sépulture, alors l’identification doit reposer entièrement sur l’analyse ostéologique et génétique du squelette. L’absence d’un dossier dentaire ou médical, la dégradation de l’ADN prélevé sur les restes humains ainsi que l’impossibilité de trouver un proche parent pouvant fournir un échantillon d’ADN à des fins de comparaison empêcheront l’identification d’une personne à partir de ses restes physiques.

Peut-on déterminer depuis combien de temps la personne a été enterrée?

Les données sur la durée de l’inhumation d’une personne sont, pour la plupart, contextuelles, c’est-à-dire qu’elles sont basées sur les déclarations de témoins, sur des registres ou des objets récupérés dans la sépulture, comme des pièces de monnaie ou des morceaux de tissus en bon état. La datation par le radiocarbone est un des tests chimiques utilisés pour déterminer si une personne est née avant ou après le début de l’ère des essais nucléaires (vers 1950). Seul un petit morceau d’os ou de dent suffit pour effectuer l’analyse. Soulignons que la réalisation de cette analyse implique la destruction du morceau d’os ou de dent. À l’exception des données d’archives détaillées qui peuvent fournir une date précise, ces méthodes d’analyse permettent le plus souvent d’établir une date approximative.

Peut-on déterminer la cause de la mort d’une personne, déceler les maladies ou les blessures dont elle souffrait?

On peut parfois déterminer la cause du décès en examinant les restes du squelette. Toutefois, de nombreuses causes de décès n’affectent pas le squelette. Dans certains cas, on peut observer les conséquences d’un traumatisme physique (fracture d’un os) ou découvrir une maladie dont souffrait la personne. Or, les maladies ou les blessures ne laissent pas toutes des traces sur le squelette. Chaque cas est différent. Certaines analyses permettent de déterminer si un enfant a subi des stress au cours de sa vie, comme la malnutrition ou une infection. Par exemple, comme la malnutrition affecte la croissance, un enfant mal nourri sera peut-être de plus petite taille que ses camarades bien nourris. Cependant, d’autres facteurs influencent la taille d’une personne (par exemple, le patrimoine génétique ou l’occurrence d’infections). L’examen d’un squelette aux fins d’identification peut permettre de déduire des épisodes de maladie ou de malnutrition vécus par la personne au cours de sa vie. Gardons à l’esprit qu’il n’est pas toujours possible à partir de l’examen des restes humains d’affirmer avec certitude qu’il y a eu maladie ou malnutrition.

Est-il possible de déceler d’où provenait initialement un enfant?

De nombreux enfants ont été envoyés dans les anciens pensionnats indiens depuis des communautés éloignées ou ont été transférés d’un endroit à l’autre sans que leurs déplacements aient été consignés dans des registres. L’examen de la composition des dents et des os par des analyses isotopiques, une des méthodes d’analyse chimique, permet d’estimer l’endroit où a vécu une personne.

Les différents isotopes sont des variations d’un élément chimique qui ont une signature distincte. Les éléments qui constituent notre environnement, dans l'eau que nous buvons et le sol où est cultivée notre nourriture, ont différents types de signatures isotopiques selon l'endroit où nous vivons. Les isotopes de l’oxygène et du strontium sont le plus souvent utilisés dans les analyses isotopiques de la localisation géographique. La composition isotopique de l’oxygène des dents d’une personne est déterminée par la composition isotopique de l’eau qu’elle a bue pendant sa petite enfance (période de formation de la dentition). De même, les os et les dents d’une personne acquièrent la signature isotopique du strontium du sol dans lequel l’essentiel de sa nourriture a été cultivé.

Les variations des signatures isotopiques de l’oxygène (de l’eau) et du strontium (du sol) dans l’ensemble du Canada sont généralement bien documentées. Ainsi, on peut comparer les valeurs isotopiques de l’oxygène et du strontium d’une personne aux signatures isotopiques de ces deux éléments dans diverses zones géographiques du Canada. Comme la taille de ces différentes zones varie considérablement, il n’est toutefois pas possible de déterminer avec précision l’emplacement exact où une personne a vécu. Toutefois, l’emploi de cette méthode permet d’exclure certaines zones géographiques comme le lieu où la personne a vécu durant son enfance, ce qui restreint de façon notable la liste des possibles aires de résidence. Cette méthode serait particulièrement utile pour déterminer si un enfant a grandi loin de l’endroit où il a été inhumé, car les valeurs isotopiques de ses os et de ses dents diffèrent sensiblement des signatures isotopiques du lieu de sépulture. Il est à noter que l’analyse isotopique, tout comme l’analyse ADN, implique la destruction d’un petit bout d’os ou de la dent utilisée aux fins d’examen.

Est-il possible de retrouver et d’identifier les enfants dont les corps ont été dissimulés ailleurs que dans des cimetières? **CW
Avertissement sur le contenu : les deux sections ci-dessous traitent de tentatives délibérées de dissimulation des décès.

Les survivants et survivantes ont confié des souvenirs d’enfants décédés qui ont été dissimulés par divers moyens, notamment en les déplaçant après un premier enterrement, en les cachant derrière des murs ou dans des caves, ou en utilisant des fours ou des plans d’eau proches comme des rivières pour détruire ou dissimuler leurs restes. Les deux paragraphes suivants portent sur la recherche et l’identification des enfants dans de telles circonstances. Les autorités judiciaires et médico-légales doivent être contactées avant de tenter de trouver des restes dissimulés.

Trouver des restes humains dissimulés

Pour retrouver des enfants dont les restes ont été délibérément dissimulés, il faut procéder à des fouilles minutieuses dans la zone où l’on pense qu’ils se trouvaient. Ce travail dépendra en grande partie de la quantité de données disponibles : les chances de succès sont plus grandes lorsqu’il existe des documents ou des témoignages indiquant la meilleure zone où chercher, comme une partie d’un bâtiment ou une aire où l’on sait que des lieux de sépulture secondaires ont été creusés. Les plans de construction qui contiennent des précisions sur les caves ou l’emplacement d’espaces d’air potentiels entre les murs intérieurs et extérieurs d’un bâtiment peuvent également être utiles.

S’il faut effectuer des travaux d’excavation sur un lieu de sépulture potentielle, des tamis à mailles fines peuvent être utilisés pour récupérer les fragments.

La recherche sera particulièrement difficile dans les cas où un plan d’eau a été utilisé pour dissimuler un corps. Il faudra alors tenir compte de la direction et du volume de tout courant, ainsi que de facteurs comme les inondations saisonnières. La sécurité des personnes prenant part à une telle enquête ne doit pas être négligée. Par exemple, le recours à des plongeurs professionnels ou à un équipement spécialisé peut être nécessaire pour mener une recherche sécuritaire et efficace. La probabilité de trouver des restes humains est alors généralement faible, à moins qu’il n’existe un témoignage indiquant qu’un corps a été récupéré dans l’eau avant d’être enterré. Non seulement l’eau courante peut-elle déplacer des restes humains sur une grande distance, mais elle est aussi susceptible de les briser et de les disperser au fil du temps. Il peut cependant arriver, à certains endroits comme un lac ou une tourbière où le courant est minime, que des plongeurs ou des méthodes de télédétection telles que le sonar parviennent à repérer des restes humains.

Identifier des restes humains dissimulés ou dispersés

Les mêmes facteurs mentionnés pour l’identification des enfants enterrés dans des sépultures non marquées affectent le succès de l’identification des enfants dont les corps n’ont pas été enterrés. Si les os sont encore en bon état, il sera possible de créer un profil biologique. Si l’ADN a été préservé dans les os ou les dents, des comparaisons pourront être faites avec celui de membres vivants de la famille. Cependant, la combustion et la fragmentation peuvent rendre moins visibles des détails physiques importants. Elles risquent même de détruire l’ADN et d’empêcher l’action de produits chimiques utilisés pour l’identification. Identifier avec certitude une personne dans ces circonstances risque d’être impossible.